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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

pour une lettre. Valéria lui donnait-elle sa correspondance avant l’heure de la levée, il pesait régulièrement chaque lettre sur le plat de la main et murmurait : celle-ci est joliment lourde, il faudra double port. Sur une douzaine de lettres, il s’en trouvait toujours trois qui avaient besoin du double port, sans parler de celles qu’il envoyait non-affranchies à des personnes sûres.

Il amassait ainsi rapidement, et sa bourse fut bientôt aussi arrondie que l’abdomen d’un évêque martyrisé par les commandements de l’Église.

Un matin Plant, sifflant une gaie chanson, tenant en main une bouteille de liqueur, revenait à la maison lorsqu’il croisa un homme à l’extérieur en désordre, à la figure battue du vent et cachée par de longues mèches de cheveux tombant droit. Pour son malheur, il n’avait pas reconnu cet homme ; le vagabond, au contraire, le regarda avec étonnement par derrière, s’arrêta et, s’appuyant sur son bâton noueux, lui cria : Plant !

Pris à l’improviste, le domestique-modèle Jean se retourna malgré lui.

En vérité, il faut le dire à son honneur, il chercha à s’esquiver aussitôt qu’il eut reconnu son vieil ami à tu et à toi, le sculpteur Wolfgang ; mais c’était trop tard ; l’ex-protégé du roi défunt le tenait déjà par le bras.