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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

vint de s’en aller respirer l’air. Il se dirigea vers le parc, où il abandonnait bientôt la grande allée pour s’engager dans un sentier ombragé qui, même en plein jour, n’était guère fréquenté. À peine avait-il fait quelques pas, qu’il entendait de violents sanglots et découvrait une silhouette de femme étendue par terre devant un banc et levant les mains comme si elle eût prié.

Le cœur ému, il s’approcha, questionna et reconnut… Julie.

— Grand Dieu ! C’est vous, baronne ?

Julie se releva, essuya ses yeux et prit place sur le banc.

— Pardonnez-moi de me mêler de vos secrets, dit Andor. Je vous crois malheureuse, et je m’imagine que peut-être…

— Je suis très-malheureuse, cher Andor, murmura Julie se reprenant à pleurer. Il n’y a pas d’autre secret à dévoiler. Mon mari est un misérable ; il m’a trompée, et il a fini par descendre si bas qu’il m’a vendue, entendez-vous, vendue comme une bête. Mais je ne suis pas aussi dépourvue de sens qu’il le croyait. Je m’étais tue malgré tout, malgré tout… Cette fois, cependant, j’ai parlé pour dire non, et il m’a battue. J’ai voulu m’enfuir loin de lui ; mais je vois que la force me manque pour cela. Peut-être deviendrai-je