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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

toufles avec empressement ; si nous pouvions entendre ce qu’elles se disent, nous serions étonnés d’avoir dans le nez l’odeur du réséda ou de la violette, au lieu de l’odeur de notre cher tabac allemand, tant la conversation écoutée nous ferait souvenir du fumoir et de ses plaisanteries cyniques.

Micheline était étendue dans un fauteuil, les jambes allongées, les mains derrière la tête, et elle bâillait tellement que ses joues étaient toutes rouges, et que ses yeux ressemblaient à deux fentes noires. Hanna appuyait les coudes sur ses genoux et le menton dans ses deux mains. Ni l’une ni l’autre ne se donnait la peine d’être vive, imposante, spirituelle, ou de feindre de toute autre manière. Elles ne différaient guère, assises comme elles l’étaient, de deux paysannes grossières ou de deux servantes trop libres, et tout ce qu’elles disaient avait un vilain son de crudité, de laisser-aller.

— Qu’as-tu ? demanda Micheline après avoir examiné un certain temps la figure froide, étrange, indifférente de son amie. Tu es de mauvaise humeur. Il te manque de la distraction, je crois. Ton mari t’ennuie ; serait-il jaloux ?

— Que veux-tu que je te dise ? répondit Hanna. Tu penses bien que je ne l’ai pas épousé par amour.