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L’ÉCOLE DE LA VERTU

paroles de son amie. Il y a des natures faites d’une étoffe grossière, d’autres d’une étoffe plus fine. Les premières se trouvent bien dans la boue de tous les jours ; les secondes, au contraire, qui ont le sentiment de l’idéal vivent dans un état de lutte contre elles-mêmes, et cet état finit par leur devenir insupportable. Elles n’ont pas la force de mener une existence idéale, de renoncer aux biens matériels, au plaisir qui les attire, et leur conscience les empêche de trouver le bonheur dans cet égoïsme malpropre qui chante victoire sur les corps des ennemis tombés. Enfermer sa vie, ainsi qu’une bête, dans cet étroit cercle des sens, rempli seulement de besoins et d’instincts, me paraît indigne d’une créature humaine. Me comprends-tu ?

— Je comprends que tu es très-ennuyeuse, dit Micheline arrangeant sa chevelure noire au bruissement voluptueux, et je conclus que tu dois t’ennuyer beaucoup. Suis mes conseils : prends un amant, pour me faire plaisir si tu veux, mais prends-le.

— Que dirait le monde ?

— Le monde ne dira jamais de toi que tout juste ce qui te plaira, si tu fais preuve d’un peu d’habileté ; sois prudente, souviens-toi de ta situation, aie soin de ne pas faire parler de toi, et tu