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LES PRUSSIENS D’AUJOURD’HUI

circonstance, le bon peuple achetait des saucisses ou des gâteaux et mordait dedans en face des tombes.

— Ne trouvez pas cela mauvais de ma part, dit Andor, mais je vous prie de me dispenser d’entrer maintenant. Ici, je ne vois sur toutes les figures que de l’hypocrisie accouplée à de la grossièreté. J’ai le cœur soulevé de dégoût. Je ne suis pas dans la disposition voulue pour entrer dans cette enceinte sacrée.

— Vous avez raison ; nous reviendrons ce soir, répondit le comte, personne ne nous dérangera.

— Quel joli spécimen de ce que Auerbach appelle « notre bonne vie allemande ! » s’écria Andor. Où tout autre frissonne, l’Allemand mange sa saucisse.

Lorsqu’ils revinrent au cimetière, il faisait tout à fait sombre, et aucun être humain n’était visible.

Ils entrèrent par la grille dans la ville des morts et remontèrent la large avenue qui la coupe en deux. Les lanternes de couleur avaient disparu. Partout régnaient le silence et l’obscurité. Çà et là, seulement, une lumière presque éteinte vacillait sur une misérable tombe et faisait, à travers le triste feuillage des cyprès et des saules pleu-