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UNE FAMILLE COMME IL Y EN A PEU

Andor est, en effet, du vieux temps, par ses idées, sa manière d’être. Qui songe aujourd’hui à faire du bien aux autres, si ce n’est avec l’intention de voir son nom dans les journaux, ou d’en retirer tout autre profit ?

La famille Andor et la maison qu’elle habite vous font l’effet d’avoir été ensevelies sous terre pendant cent ans et tout récemment déterrées. Dans notre atmosphère chargée de poussière de charbon, des hommes de ce genre suranné ne peuvent plus prospérer.

Et pourtant, le reproche adressé à Andor sonnait étrangement dans la bouche de Plant. C’était ce qui faisait que le docteur gardait obstinément le silence. S’il n’avait eu si bon cœur, il aurait pu répondre victorieusement à son ami.

Il aurait pu lui dire : « Quand tu étais dans le besoin, quand tu n’avais que des mauvais souliers aux pieds, pas de chauds vêtements sur le corps, quand il te fallait souffler dans tes mains gelées pour les réchauffer un peu et que tu souffrais la faim, qui te serait venu en aide, si moi je m’étais laissé guider par tes belles maximes pratiques ? Qui t’a donné des habits, qui t’a donné à manger ? Moi-même, dont tu te moques maintenant. C’est moi qui t’ai sauvé de la misère, de la honte, du crime peut-être.