Aller au contenu

Page:Sacher-Masoch - Les Prussiens d’aujourd’hui, 1877.djvu/95

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
UNE FAMILLE COMME IL Y EN A PEU

la tira si fort, qu’elle sonna à le faire frissonner jusque dans la moelle.

Comment fit-il son entrée, comment se présenta-t-il ? Il ne s’en souvint jamais bien par la suite. Il suffira de savoir qu’il avait pénétré enfin dans une chambre de grandeur moyenne, où il s’était trouvé devant une dame âgée assise sur un sopha, où un monsieur plein de dignité lui tendit la main, où trois frais minois de jeunes filles se rirent de lui, où cinq têtes d’enfants l’entourèrent, le regardant avec un étonnement peu poli.

Et il était resté là debout, s’inclinant vers le sopha, vers le monsieur plein de dignité, vers les jeunes filles rieuses, non pas en baissant un peu la tête, mais en levant les talons et se balançant les jambes raides, comme un arlequin en bois.

Le monsieur plein de dignité lui offrit un siége. Andor s’assit sur le bord, délicatement, comme s’il eût craint de faire mal à la chaise. Les jeunes filles prirent place autour de la table. La dame sur le sopha tint le dé de la conversation.

Le visiteur s’efforçait de ne pas paraître embarrassé ; plus il visait à ce résultat, plus ses mouvements ressemblaient à ceux d’un pantin dont un enfant tire la ficelle. Il ne parlait pas mal, il parvenait même à être ironique, mais son regard errait dans la chambre, tantôt se fixant oblique-