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SASCHA ET SASCHKA.

les broussailles avec la furie d’un loup qui se précipite sur sa proie.

Quand elle arriva au lieu du combat, tout était terminé. Le baron, pâle et inondé de sang, se tenait assis sur un arbre abattu, et Bartezki le soutenait tandis que le médecin le pansait. Le curé s’essuyait le front avec son mouchoir bleu. Seul Silvaschko était debout, vêtu de son uniforme complet et le sabre à la main. Urscha, se présentant soudain comme une apparition, le lui arracha en regardant fixement son maître.

« En voilà des sottises ! s’écria-t-elle. Êtes-vous blessé ? Parlez donc.

— Que le diable t’emporte ? s’écria Silvaschko, c’est le curé qui vient de se battre en duel, et non pas moi. »

Il parlait encore que déjà Urscha s’était élancée à son cou et l’embrassait en versant des larmes brûlantes.

« Aie donc un peu de retenue ! »

Mais elle ne lâchait point prise.

« Je crois que je me serais jetée à l’eau si l’on vous avait tué, dit-elle en regardant le vieux lieutenant d’un air de vraie béatitude.

— Vieille folle ! grommela le vieux, je croyais que tu ne pouvais pas me souffrir.

— Je le croyais aussi, répondit la servante en souriant, mais ce n’était pas vrai. »

Saschka fut le premier qui rencontra son père dans la rue. La voiture s’arrêta, et Saschka put enfin serrer son père dans ses bras. Tous deux étaient émus jusqu’aux larmes.