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LA MÈRE DE DIEU.

— Allons ! je sais bien comment sont les anges ! objecta Sukalou offensé.

— Eh bien, Anuschka ? »

Celle-ci se leva et alla chercher la bouteille, à pas lents.

« Ne vous donnez pas la peine », s’écria Sukalou.

Il courut au buffet, prit le plus grand verre qu’il y trouva, le remplit jusqu’au bord et revint, le tenant avec précaution.

« Je vois bien maintenant que c’était un ange véritable ! » murmura-t-il.

Et en parlant il ne pouvait s’empêcher de rire de la bonne idée qu’il avait eue. Il se remit à attaquer le rôti avec un nouvel appétit ; il avalait aussi de grandes gorgées de vin en faisant claquer sa langue contre son palais, en clignant de l’œil et en léchant ses lèvres surmontées d’une moustache aux poils hérissés et taillés en brosse.

C’est ainsi que le trouva Barabasch, qui entra à ce moment, portant une lourde corbeille, qu’il déposa par terre, devant le buffet. Cette corbeille suffit pour ravir à Sukalou toute sa tranquillité, tout son plaisir ; il la contempla à la dérobée, finit son vin plus vite qu’il n’en avait l’intention, faillit s’étrangler avec l’os du rôti qu’il était en train de ronger, se leva, prisa une fois, puis une seconde, regardant toujours la corbeille, derrière sa main à demi fermée, enfin se dirigea du côté du buffet. Là il prit une troisième pincée de tabac, se frotta vivement le crâne de la paume de sa main, et enfin regarda vivement ce que renfermait la corbeille.