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LA MÈRE DE DIEU.

faire un peu de toilette. Elle remplaça le mouchoir blanc qui recouvrait ses cheveux par un foulard aux couleurs vives, et attacha cinq rangs de gros coraux autour de son cou blanc et gras. Elle passait justement sa sukmana de drap vert foncé lorsque Sukalou frappa à la porte.

« Qui est là ? demanda-t-elle, et un sourire malicieux entr’ouvrit ses lèvres roses.

— C’est moi, Wewa, si vous voulez bien me permettre…

— Seigneur ! qu’entends-je ?… Mais c’est Sukalou. »

Elle ouvrit la porte et embrassa cordialement le nouveau venu.

« Entre, mon bien-aimé, à quoi bon toutes ces façons ? Tu es ici chez toi ; mets-toi à ton aise. »

Elle lui enleva son chapeau et sa canne, lui avança une chaise, ferma la porte et appela Lisinka, prestement et sans trahir aucun embarras. Puis elle prit place en face de lui, lissant soigneusement ses jupes amidonnées et faisant bouffer sa chemise couverte de broderies.

« L’amour t’a enfin poussé jusqu’à moi ? commença-t-elle.

— L’amour,… oui,… répondit Sukalou d’un air langoureux, mais… c’est aussi la faim.

— Tu as faim ! s’écria Wewa. Lisinka, viens vite, je te prie. Nous avons un hôte, ma chère, et quel hôte ! Dis-moi, cher ami, que voudrais-tu bien manger ? Du lard, du fromage, du beurre, des œufs, ou un morceau de gâteau ? Il y a de tout cela ici. »