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Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/21

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SASCHA ET SASCHKA.

d’où l’on apercevait le clocher de bois de Drevina, ils se séparèrent. Le futur évêque demeura immobile et suivit des yeux longtemps encore la jeune fille qui se balançait gracieusement sur sa selle.

Dès le lendemain, dans l’après-midi, Sascha se rendit à Drevina dans une voiture tressée en osier, comme celle des villageois ; elle appartenait à son père et était attelée de deux chevaux efflanqués. Un autre étudiant en théologie l’accompagnait. Le vieux curé les reçut en leur faisant, sur le perron, un discours en latin, tandis que sa femme réclamait à haute voix son bonnet à rubans verts, et qu’une jeune fille de quinze ans franchissait la haie, et, blottie derrière, regardait curieusement, à travers une des brèches, les hôtes qui venaient d’arriver.

Lorsqu’ils pénétrèrent dans la grande salle, ils aperçurent Mme Nogaïska assise dans un grand fauteuil, près de la fenêtre, et occupée à nouer sous son menton les rubans verts de son bonnet neuf en poussant de profonds soupirs. La fillette jeta un cri en voyant entrer les jeunes gens et s’enfuit au jardin par la porte ouverte. En même temps Spiridia entrait dans l’appartement par une autre porte. Elle était nu-pieds, vêtue d’une jupe courte rapiécée et d’une chemise de toile grossière ; ses cheveux bruns étaient épars, et elle avait une faux sur l’épaule.

« Salut en Notre-Seigneur ! dit-elle avec un regard tout à la fois fier et amical.

— N’as-tu pas honte ! s’écria la mère, tu devrais rougir.

— Tous nos domestiques sont aux champs, dit le