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LA MÈRE DE DIEU.

« Tu as trompé, tu dois être puni, continua Mardona. Tu m’as trompée, moi, et ta punition sera double, comme ta faute. Je te pardonne. Mais le salut de ton âme exige que tu fasses pénitence et que tu jeûnes pendant trois jours.

— Je mourrai, Mardona.

— Le premier jour, tu ne recevras rien à manger. Le second et le troisième jour, on te donnera un morceau de pain et une cruche d’eau. De plus, tu auras à réciter mille fois l’Oraison dominicale. »

Sukalou, éperdu, embrassa nerveusement les genoux de Mardona.

« Fais-moi battre, petite mère, supplia-t-il en pleurant, ou plutôt bats-moi toi-même. Ce sera pour moi une joie d’être battu par ta jolie petite main d’ivoire. Fouette-moi de verges, de cordes, ou avec un bâton ; fouette-moi aussi longtemps que cela te conviendra ; mais, pour l’amour de Dieu, ne me fais pas jeûner ! »

Mardona le repoussa doucement.

« Tu me salis, va-t’en ! dit-elle.

— Fais-moi appliquer la torture si tu veux, implora Sukalou, attelle-moi à un chariot, crucifie-moi, fais-moi pendre, mais ne me soumets pas au jeûne.

— Plus un mot ! Ton arrêt est prononcé.

— Pour l’amour de Dieu, cria Sukalou, il faut que je parle ! Tu veux sauver mon âme, dis-tu ; mais, quand j’ai faim, je suis capable de tout. Je crains, Mardona, sainte femme, ô toi la plus belle rose du jardin céleste, je crains que ma chair ne faiblisse, que mon esprit ne perde sa force, si tu me fais jeû-