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LA MÈRE DE DIEU.

« Le coquin ! le misérable ! Je suis venu tout exprès de la ville pour avertir notre petite Mère, notre vierge d’or, et pour gagner une petite récompense. Et il faut que ce menteur me fasse du tort !

— Sois tranquille, juif, repartit Kenulla. Je puis prouver que c’est de toi que Sukalou tient la nouvelle. Tu la lui as racontée à l’auberge où tu t’es arrêté pour abreuver tes chevaux.

— C’est vrai,… dit Sukalou ; cependant il était de mon devoir…

— Tais-toi, lui cria le juif.

— Je ne dis rien.

— Vous dites que vous n’avez pas peur, continua Kenulla. Pourtant le cas est grave. Il est de fait que les preuves manqueront. Car qui osera témoigner contre Mardona ! Mais c’est bien assez si on nous l’emmène et qu’on la garde en prison durant un mois.

— Cela ne sera pas », cria Turib.

Les assistants se mirent tous à parler à haute voix.

« Mardona doit se cacher, dit Ossipowitch.

— Il vaut mieux qu’elle passe la frontière, objecta Sukalou.

— Je lui procurerai un costume juif et je l’emmènerai moi-même dans mon traîneau, dit le juif.

— S’il faut de l’argent, dit Kenulla, moi j’offre tout ce que je possède. »

La Mère de Dieu était arrivée sur ces entrefaites. Elle se tenait au seuil de la porte, les bras croisés sur la poitrine.

« Je ne fuirai pas et je ne me cacherai pas», dit-elle en s’avançant au milieu de ses disciples effrayés.