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LA MÈRE DE DIEU.

Pilate, et fière comme Roxelane en présence de Soliman le Grand. Elle inclinait la tête et joignait ses mains baissées. Ses longs cils formaient une raie d’ombre sur ses joues. Un foulard blanc, orné de dentelles superbes, était noué dans son épaisse chevelure. Des pierres fines étincelaient à ses oreilles, à ses doigts. Des coraux et des sequins d’or se balançaient doucement sur sa poitrine haletante.

« Oui, c’est sûr ! Maintenant tu baisses la tête », reprit Zomiofalski.

Il arpenta la chambre à grands pas, les mains derrière le dos.

« Vous êtes tous les mêmes, vous autres paysans ! tous ! Vous vous moquez de la légalité et de l’ordre, aussi longtemps que cela va. Vous êtes des rebelles, des haydamaks ! Vous voulez vous venir en aide à vous-mêmes, c’est bien, mais vous oubliez qu’il y a des bornes. Vous empiétez sur les droits de votre prochain. Une vie d’homme, à vos yeux, ce n’est donc rien ? »

Mardona releva la tête lentement. Pour la première fois, ses yeux rencontrèrent ceux de son juge. Celui-ci tressaillit : les paroles lui manquèrent.

« Tu refuses de croire que tu as manqué gravement à la loi, dit-il après une pause, en dévorant du regard la belle fille. Tu tiens la place de Dieu, n’est-ce pas ? Tout t’est permis. Tu n’as de compte à rendre à personne, n’est-il pas vrai ? Mais, aux yeux de la loi, tu es simplement une criminelle. »

Mardona ne chercha pas à se justifier. Elle était toujours debout devant Zomiofalski, et le regardait silen-