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LA MÈRE DE DIEU.

Lorsque Nimfodora traversa la chambre pour serrer le peigne dans le tiroir de l’armoire à glace, sa démarche surprit beaucoup Sabadil. Elle avançait lentement, mais on ne la voyait pas faire de pas ; elle baissait la tête et regardait un peu de côté, comme un animal effrayé.

Mardona se leva et alla au miroir.

« Interroge-moi, questionne-moi,… dit Nimfodora lentement, d’une voix semblable au râle d’un cerf expirant, je te dirai la vérité, moi ! Ah ! tu es si belle ! »

Elle regarda Sabadil avec une douce exaltation. Elle semblait lui demander :

« Et toi, ne la trouves-tu pas belle, dis ? ne l’admires-tu pas aussi ?

— Sais-tu, Nimfodora, que je commence à avoir des rides ? répondit Mardona en riant.

— Où ? Allons donc, tu veux rire. Je ne vois rien.

— Tous ne voient pas par tes yeux. Avant peu, beaucoup s’en apercevront. Oui, je serai bientôt vieille et laide.

— Toi ! interrompit Nimfodora. Mais tu es toute jeune, tu n’as que deux ans de plus que moi.

— Oh ! tu n’as pas encore vingt ans, s’écria Mardona, et il m’en manque quatre, à moi, pour atteindre la trentaine.

— Toi, du moins, tu resteras toujours belle ! »

Nimfodora frissonna et regarda son amie d’un œil suppliant.

« Sais-tu un remède pour m’empêcher de vieillir, par hasard ?