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LA MÈRE DE DIEU.

Il vit que Mardona restait froide et sans émotion.

Elle s’agenouilla près de lui, et le regarda dans les yeux tranquillement.

« Embrasse-moi », supplia-t-il avec un soupir.

Mardona passa tendrement ses bras autour du cou de Sabadil et lui donna un baiser.

Puis elle lui enfonça le clou dans le cœur, d’une main sûre, lentement.

La victime eut un tressaillement.

« Ah ! que c’est doux !… » balbutia Sabadil, tandis que son sang coulait, rouge, sur les mains de Mardona.

Sofia et Nimfodora récitaient la prière des agonisants.

Sabadil laissa retomber sa tête sur sa poitrine.

Il était mort !

Mardona passa toute la nuit assise sur le banc du poêle, les yeux arrêtés sur le cadavre, les mains jointes sur ses genoux, pâle, muette, sans verser une larme.

Sukalou escalada la haie secrètement et traversa, aussi vite que ses longues jambes le lui permettaient, les champs couverts de neige, pour se rendre au village. Il ne pressentait rien de bon. Sofia aussi avait disparu, sans qu’on sût où elle avait passé. Les autres étaient allés dormir.

À l’aube, Barabasch se rendit auprès de Mardona, et lui demanda si ce ne serait pas mieux d’ensevelir le cadavre sans rien ébruiter.

Elle ne lui répondit rien. Elle resta là assise depuis le matin jusqu’au soir, inanimée, sans dire un