Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
SASCHA ET SASCHKA.

l’ancienne et bien connue kazabaïka de sa mère. Il oubliait en ce moment qu’il existait entre Marga et lui un obstacle presque insurmontable ; quoique, pour ainsi dire, étrangère jusqu’alors, elle devenait à ses yeux l’un des membres indispensables de son cher entourage, et il sentait plus que jamais que toutes les fibres de son cœur lui étaient attachées.

Elle semblait vraiment favoriser d’une manière mystérieuse l’amour que Saschka portait à Marga, cette forêt aux chênes séculaires éternellement silencieux, aux trembles babillards, et au milieu de laquelle l’aimable enfant s’était vue surprise par l’orage. Elle s’aventura une fois encore au sein de son imposante obscurité et de son calme recueilli, qui n’étaient troublés de temps à autre que par un rayon de soleil folâtrant sur la mousse ou par le rapide toc-toc du pic grimpeur ; et, dans l’empressement enfantin que mit la jeune fille à cueillir une fleur rare, elle glissa sur une racine, tomba et se foula le pied.

Ce fut en vain qu’elle essaya de faire encore un pas ; il lui fallut s’asseoir sur un arbre renversé ; elle appela aussi vainement au secours à plusieurs reprises en se servant de ses mains comme d’un porte-voix : personne ne l’entendit et personne ne vint.

Le soleil descendait à l’horizon et Marga se trouvait encore à la même place. Soudain des pas firent craquer les feuilles sèches qui tapissaient le sol, et Saschka parut, un fusil sur l’épaule, entre les troncs d’arbres gigantesques.

« Quelle heureuse chance vous amène ! s’écria Marga ; c’est Dieu qui vous envoie.