Aller au contenu

Page:Sacher-Masoch - Sascha et Saschka (suivi de) La Mère de Dieu, 1886.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
81
SASCHA ET SASCHKA.

Puis, d’un air cordial, elle lui tendit la main, qu’il porta à ses lèvres avec galanterie.

« On va tout à l’heure vous apporter du thé bien chaud. Asseyez-vous près de moi. Mon frère n’est point ici, il regrettera fort d’avoir manqué votre visite. Pour ma part, je me félicite de son absence, à deux on cause mieux, et franchement je suis très heureuse de votre visite. »

Kasimira s’assit sur un petit divan et invita Saschka, par un geste, à prendre place à côté d’elle ; elle mettait dans tous ses mouvements un laisser-aller, une amabilité inimitables, et avec une habileté non moins grande elle dirigea la conversation avec beaucoup d’aisance, de grâce et avec un aimable sans-façon. Il semblait impossible de ne pas en arriver à l’intimité avec elle au bout d’un quart d’heure d’entretien. La comtesse était assise tellement près de Saschka que son épaule s’appuyait sur la sienne, sans qu’elle perdît jamais pour cela l’élégante liberté de ses mouvements. Étendue sur de moelleux coussins, elle passait de la nonchalance à la vivacité en donnant à ses grands yeux noirs, pleins de feu et de fierté, une expression toute particulière. Tantôt le regard baissé, elle laissait voir les longs cils qui frangeaient ses paupières, puis elle semblait n’écouter qu’à demi ce qu’il disait, pour se retourner tout à coup et le regarder en face avec un séduisant sourire. Saschka se croyait au milieu d’un champ de roses qui remplissaient l’air de leurs parfums enivrants, et environné d’une nuée de papillons aux brillantes couleurs ; il lui semblait entendre les chants mélodieux d’un rossignol caché dans le