Page:Sacy, Féval, Gautier, Thierry - Rapport sur le progrès des Lettres, 1868.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

inextricable de biens et de maux, la révolte de la raison s’écriant avec désespoir :

Celui qui pouvait tout a voulu la douleur,

toutes ces angoisses de l’âme s’expriment en beaux vers dans le Prométhée de Mme Ackermann."

Mme Blanchecotte a un tout autre tempérament poétique. Elle a mérité une couronne académique pour son premier recueil Rêves et réalités. Élève de Lamartine, elle a gardé du maître la forme et le mouvement lyriques, mais avec un accent profond et personnel qui fait penser à Mme Valmore. Comme celle-ci, Mme Blanchecotte a souvent des éclats et des véhémences de passion d’une sincérité poignante. Elle a de vraies larmes dans la voix. Elle peut dire avec vérité : "Ma pauvre lyre, c’est mon âme." Née dans une position obscure et difficile, elle en est sortie grâce à des efforts persévérants. Elle s’est faite elle-même ce qu’elle est. Ouvrière par nécessité, elle a su économiser assez de son temps pour se donner une instruction rare chez une femme ; elle sait l’anglais, l’allemand et même le latin. Sa lecture est étendue et variée. En résumé, c’est une intelligence assez forte pour n’être pas dupe de son cœur. Elle a écrit en bonne prose des pages de moraliste qui prouvent que cette élégiaque sait observer aussi bien que sentir. Béranger l’appréciait beaucoup, Sainte-Beuve fait grand cas de son talent et de son caractère. Elle est l’amie de Lamartine, la visiteuse assidue de ses tristesses et de son foyer délaissé. Mme Blanchecotte, la chose est assez rare pour qu’on la remarque, a contribué comme correctrice à la publication des Quatrains de Khèyam, un poète persan d’un mysticisme lyrique encore plus raffiné que celui de Hafiz et de Sadi.

Ce n’est pas tout ; il n’y a pas en France que des poètes français. La vieille Armorique a encore des bardes et la Provence des troubadours. Brizeux, l’auteur de Marie, est aussi l’auteur de Leiz-Breiz, un recueil de poésies en pur celtique. Tout récemment, un Breton, M. Luzel, qui chante dans l’idiome du barde Guîclan, a