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MARQUIS DE SADE — 1778
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en conjure, et n’oubliez pas de m’en donner de nouvelles du moment que vous les aurez……


Madame de Sade, instruite de l’arrestation de son mari, écrit à Reinaud qu’elle est déterminée à tout. (7 septembre 1778).

……Écrivez à notre ami que toutes les lettres que je lui ai adressées pour M. de Sade et qu’il n’a pu lui remettre, il me les renvoie. Vous voyez que je suis bien instruite et que je n’ignore pas la détention de mon mari. Cette iniquité de trahison et de fausseté me détermine à tout et la chose n’en restera certainement point là. Je suis lasse d’être le jouet et la victime de toutes les inconséquences de ma famille. La douleur qui m’accable m’empêche de vous en dire davantage aujourd’hui……


La marquise attend mademoiselle de Rousset. Sa peine est affreuse ; elle n’a que de la haine pour sa mère et ses soupçons n’épargnent personne. (7 septembre 1778).

À tout hasard, mademoiselle, je hasarde celle-ci, car je me flatte que vous êtes en route…… Mon Dieu, quel coup pour moi ! Dans quel abîme de douleur me voici replongée ! Comment en sortir, à qui se fier, quoi croire ? Il m’est[1] absolument impossible sur tout ce que l’on m’a dit et sur tout ce que l’on a fait d’asseoir un jugement et une solution. Les contrariétés, les faussetés, l’air de bonne foi sur de certains chefs qu’il n’est pas dans la nature de jouer, tout cela m’absorbe sans que j’entrevoie les moyens d’en sortir. Si vous avez écrit à ma mère le détail, vous avez très bien fait, mais si vous êtes en route, c’est encore mieux. Depuis cet événement je ne la vois plus et lui ai juré par écrit une haine et vengeance éternelles, si, sous le terme de trois jours, elle ne m’obtenait de rejoindre mon mari quelque part où elle le fait transférer. Elle jure ses grands dieux, par un tiers qui vient me trouver, qu’elle ne sait ce que je veux dire. Mais moi je ne démords pas de ma résolution ; en arrive tout ce qui voudra, il ne peut m’arriver pis. Ne veut-on pas me soutenir que cela n’est pas vrai ! Je les envoie au diable ; vis-à-vis du ministre je mets plus d’honnêteté, mais en même temps je l’ai prié de me rendre de même réponse sous trois jours, attendu qu’il m’était essentiel de savoir à quoi m’en tenir. Je suis fatiguée d’être jouée par tout le monde depuis dix-huit mois. Les ministres sont de vraies murailles. L’on voudrait peut-être que je me contente de lui écrire de misérables billets ouverts par la police. Je ne veux plus retomber dans les mêmes inconvénients que par le passé, j’ai trop souffert……

Ce que je puis faire de mieux vis-à-vis de Gaufridy, c’est de ne lui plus écrire. Je pense qu’il ne me convient nullement d’écrire à un homme

  1. « Il ne m’est », dans le texte.
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