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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


M. de Sade est décidé à prendre la vie comme elle vient. (18 janvier 1779).

Je viens de recevoir la lettre que vous m’avez fait l’amitié de m’écrire, mon cher avocat. Je suis bien sensible à vos souhaits, vous avez bien raison de dire : les miens se réunissent à un seul. Vous le devinez ; c’est celui que vous formez. Ainsi je ne puis que vous en remercier bien sincèrement. Il ne paraît pourtant pas, permettez-moi la réflexion, à votre article d’Arles, que vous me jugiez encore bien prêt de jouir de la satisfaction que vous me désirez. Vous dites qu’il faudrait tâcher d’obtenir que le fermier actuel coulât encore un an avec cent livres d’augmentation ; mais il y a encore huit mois d’ici à l’époque de renouveler le bail. Ne comptez-vous donc pas que je puisse vous voir d’ici à ces huit mois-là ? Et si je suis assez heureux pour que cela arrive, il me semble alors qu’il ne serait question que de faire attendre cet homme jusqu’à la fin de son bail…… Au reste, vous êtes en relation avec des gens qui en savent plus que moi, qui conséquemment pourront vous mieux éclairer sur le parti à prendre. Moi, je n’exige de vous que de choisir le meilleur et j’y compte d’après les sentiments d’amitié que vous me témoignez, et que vous me devez d’après les miens pour vous. Ce sont ces considérations qui me feront être très court sur tout ce qui regarde les affaires. Je vous renvoie toujours à ma lettre du six octobre. C’est la seule où j’aie eu la force de m’étendre. À présent, je suis si dégoûté que je ne le peux plus…… Ainsi j’ai pris le parti de boire, manger, dormir, ne point prendre de chagrin et me moquer de tout le monde. On ruine mes enfants à plaisir, tant pis pour eux ; quant à moi, j’en aurai toujours assez pour mes vues, et prends la ferme résolution de fort peu m’inquiéter du reste……

On m’a fait part de quelque chose de très honnête de votre part au sujet de cette boîte que je vous avais prié de faire accepter de ma part à madame votre épouse. Je vous prie instamment, quelque plaisir que j’eusse à la lui offrir moi-même, de ne pourtant pas attendre ce temps, et je serai vraiment satisfait quand vous m’aurez appris qu’elle a bien voulu accepter cette misère à laquelle je joins mes hommages. Nous étions déjà, elle et moi, dans le plus joli petit commerce du monde, pendant votre voyage d’Aix, et je ne sais pas trop ce qui en serait résulté. On est venu troubler cela fort mal à propos. Je partage bien sincèrement la perte que vous venez de faire. Ce sont de ces chagrins dont on se console difficilement ; il faut être père pour le sentir. Adieu, mon cher avocat, je finis sans compliment n’ayant plus de place que pour vous embrasser.


Mademoiselle de Rousset conte à l’avocat les sautes d’humeur du prisonnier ; elle a changé ses pinceaux pour faire un nouveau portrait de la présidente. (26 janvier 1779).

……La situation de M. de S. est affreuse ; vous n’en doutez pas par la connaissance que vous avez de son caractère et de sa vivacité. Sur les