Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MARQUIS DE SADE — 1779
137

« Dans quelle religion, dites-vous, j’ai trouvé que la sainteté puisse s’allier avec la coquetterie ? Eh ! vraiment dans celle où je vous canonise ! Pourquoi votre vanité ordinaire a-t-elle été vous faire entendre tout de suite que c’était au véritable royaume des cieux où je vous plaçais ?… Pas un mot.


Votre orgueil ici vous emporte
Et vous jugez mal de la sorte
Du paradis où je vous mets ;
C’est dans celui de Mahomet.
Eh ! oui, c’est là que je veux dire
Et c’est là que dans le délire
D’une amoureuse et sainte ardeur
Vous ferez encor mon bonheur
Comme vous l’aurez fait sur terre !
Mais non par erreur mensongère
Qui n’a pour objet que les sens ;
Ce sera par les soins touchants
D’une amitié sincère et pure,
Présent divin, que la nature
Nous fit pour nous dédommager
Ou plutôt pour nous alléger
Les maux, les chagrins qu’elle donne.
Dieu charmant dont en vous, ma bonne,
Le temple saint elle érigea ;
Souffrez qu’un culte délicat
Aille là seul lui rendre hommage,
Et qu’il en reçoive pour gage,
Au lieu des myrtes de l’amour
Que le plaisir fane en un jour,
Cette couronne qu’elle érige
A des feux purs et sans prestige
Dont ce dieu lui-même est jaloux
Quand ils s’allument près de vous.


Eh bien ! C’est du style à douze sols au moins, ça ! Allez un peu dire à votre amoureux qu’il vous en fasse ainsi… là, tout d’une haleine ! Aussi je viens de changer chemise… me voilà. Eh bien ! Que voulez-vous de moi à présent ? De la raison, du bon sens ? Oh ! c’est mon fort !… »

J’ai reçu mes étrennes en vers burlesques ; comme il faudrait transcrire trente-six vers ce sera pour un autre courrier. Adieu, monsieur, portez-vous bien et agissez encore mieux……