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MARQUIS DE SADE — 1779
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fais ma cour. Madame votre mère n’ignore pas mes sentiments. Je me suis assez expliquée sur toute sorte de notes. Je plaide peut-être une très mauvaise cause. Il est de mon amour propre de soutenir ma fermeté jusqu’à la fin. »

Il n’est pas besoin de vous dire que cette lettre-ci ne demande aucune réponse d’aucune façon. Quand mademoiselle Duffé l’aura lue, vous la brûlerez vous-même, monsieur l’avocat, je vous en prie et vous en charge. Je vous ai promis ainsi qu’à mademoiselle Gothon d’être sincère et franche vis-à-vis de vous deux. S’il survient quelque changement, vous en serez instruit. Je ne sais si je broie du noir, mais je vois qu’elles ne vont pas bien. C’est exactement la boule de neige qui, plus on la roule, plus elle grossit. J’ai l’honneur d’être, monsieur. Adieu mademoiselle Gothon, vous êtes plus heureuse que moi ; vous embrassez M. Gaufridy quand vous voulez, et moi je rêve toujours moyens et affaires. Oh ! vous me trouverez bien sainte, je suis toujours auprès d’un crucifix !… Il parle quelquefois !……


Mademoiselle de Rousset annonce à Gaufridy la mort de mademoiselle de Launay. (24 mai).

Madame de Sade vous fait part, monsieur, de la maladie et de la mort de mademoiselle de Launay, sa sœur, qu’elle vient d’apprendre dans la minute. Une mort si précipitée est bien capable de faire la révolution qu’elle éprouve. Elle pleure et se chagrine. Comme la nature a ses droits, je lui laisse faire son cours. Jeudi au soir, dix du courant, la petite vérole parut ; une inflammation au bas ventre s’est jointe à cette maladie. La mort l’a enlevée à sa tendre famille le treize, à une heure après-midi. Priez pour elle. On dit madame de Montreuil inconsolable. Madame craint qu’elle ne fasse une maladie. Demain elle ira dans cette maison de douleur pour joindre ses larmes avec celles de sa famille. Elle écrira cet après-midi à M. le commandeur et à mesdames ses tantes. Adieu, monsieur l’avocat. Pensez quelquefois à moi, et répondez si vous avez reçu une de mes lettres où il y avait deux couplets de chanson provençale. Vous ne m’avez jamais rien dit là-dessus. Vous les avez donc trouvés bien mauvais ? Adieu, encore une fois. Portez-vous bien et aimez-moi.


La marquise répond au ministre qu’elle n’a pas à payer la pension de son mari. (20 septembre).

Je croyais m’être assez expliquée, monsieur, pour ne vous plus mettre dans le cas de me demander une chose qui est hors de toutes les règles du bon sens et de la raison ? J’ai payé autrefois la pension de mon mari parce que je voyais quelque raison de nécessité ; mais aujourd’hui, où je vois clairement que l’on s’obstine à faire périr un malheureux qui mérite tout un autre sort, quand je vois le désordre de ses affaires qui sont à un point