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CORRESPONDANCE INÉDITE DU

Querelle de préséance.

Granier, viguier de la Coste, fait à la marquise un exposé, à la fois pittoresque et significatif, de son démêlé avec le capitaine-consul. (Premier janvier 1780).

……Il est d’usage que la veille de notre foire il se fait un feu de joie et le garde ou le viguier du seigneur [y] assiste, accompagné des consuls, étant d’usage qu’on l’en prévienne et [qu’il] l’allume. Vous savez, madame, que les tambours doivent aussi battre aux officiers, après le seigneur et avant les consuls. Cependant, au mépris des usages et des prérogatives, dont je ne suis jaloux qu’à cause que j’ai l’honneur de vous appartenir, le sieur Sambuc, capitaine consul, fut allumer le feu sans me faire avertir, et refusait opiniâtrement de payer les tambours sur ce qu’ils étaient venus battre à ma porte au retour du château. Sur les plaintes qui me furent portées par les tambours du refus qu’on leur faisait de leurs honoraires, je pris le parti d’écrire deux mots à M. le consul pour l’engager à payer ces gens ou de me poser amiablement le grief qu’il avait contre des gens qu’il avait lui-même commandés. Sa réponse fut si insolente et si digne de pitié en même temps qu’elle ne méritait pas de vous être présentée. Je vous l’envoie cependant, madame, pour que vous en jugiez. Vous verrez qu’il élude la question et qu’il la fait tomber sur ce que je me mêle sans droits des affaires de la communauté. Mais la plainte, à moi faite par des gens à qui on refuse un juste paiement, me paraît plutôt une affaire purement particulière et juridique pour ne pas faire justice à des gens qui se sont comportés, en battant à ma porte, selon l’usage le plus généralement reçu.

……Vous me faisiez la grâce, madame, de me demander, de la [part] de M. le comte, des nouvelles de son petit filleul. Il se porte bien, le drôle, et apprend assez bien, et d’autant plus volontiers (il va à l’école) qu’il dit que, quand il sera savant, il ira à la guerre avec son parrain.


Mademoiselle de Rousset a des amoureux à la douzaine, en dépit du nez de l’avocat. (7 février 1780).

……Je suis d’un rhume affreux et laisse la place à mademoiselle Rousset[1].

Oui, c’est un rhume que l’on nomme, à Paris, la coquette. Toutes les jolies femmes toussent lorsqu’elles veulent se faire remarquer de leurs adorateurs. Madame la marquise prend d’avance tous leurs faits et gestes pour émoustiller celui qui, je crois, n’aura pas besoin d’être provoqué pour lui prouver son amour et son estime, qu’elle mérite à tous égards, et surtout par une abstinence véritablement édifiante ou l’exemple contraire ne peut rien. Eh ! oui, monsieur l’avocat, j’ai des amoureux à l’infini ! Aussi suis-je

  1. Dernière phrase d’une lettre de la marquise.