Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/215

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1780


Madame de Sade demande aux trois meilleurs avocats d’Aix (pour confondre ceux de Paris, qui ne sont que des bêtes) une consultation disant que l’admonestation faite au marquis et l’interdiction de séjour prononcée contre lui ne sont nullement infamantes. Les Aixois attestent que M. de Sade a été entièrement blanchi par son arrêt.

La présidente se préoccupe également, mais à des fins plus pratiques, d’obtenir des certificats qui lui permettront de toucher, dans l’intérêt des créanciers, certains arrérages échus avant la sentence de réhabilitation.

Une des tantes religieuses, madame de Saint-Laurent, est morte, et sa communauté prétend continuer à toucher sa pension. Une autre, la bernardine de Cavaillon, paye « un petit royaume » à ses amis et veut avoir du gibier de la Coste pour les personnes qui font gras. Il n’est guère question de la troisième, madame de la Coste, qu’à l’occasion du paiement de ses quartiers.

Gaufridy a trouvé de l’argent en engageant sa signature à Ripert et si le marquis ne reconnaît pas ce procédé à sa sortie, il ne sera qu’un Jean-fiche. Partie de cet argent reste à la Coste où les seigneurs le trouveront à leur retour, et ce sera autant de sauvé car Paris est un gouffre. Mademoiselle de Rousset est si malade qu’elle craint de ne pouvoir être du voyage. On l’a saignée au bras et au pied et on la met au lait d’ânesse pour réparer ses forces. Par contre on lui fait prendre des médecines qui l’empêchent de déjeuner, au prétexte qu’elle a de la bile. Madame de Sade ne la croit pas fort atteinte : elle crache seulement le sang ! Mais la pauvre fille y voit plus clair : elle donne rendez-vous à Gaufridy à la vallée de Josaphat et lui confie que sa feinte gaieté n’est qu’un moyen dont use sa raison pour combattre la mélancolie de son caractère.