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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


Gaufridy sans lui envoyer, par exprès, quelques fruits, un peu d’herbage de son jardin, un paquet de safran. Ce sont de simples attentions, mais je le soupçonne d’avoir été plus généreux avec la tante. Les échanges de vues se prolongent sans aboutir. Les solliciteurs eux-mêmes avaient alors l’honnêteté d’attendre !

Le marquis ne fait rien pour tirer sa femme d’embarras. On dit à madame de Sade qu’il se conduit bien et elle espère bientôt le voir, car les violences du captif (dont elle ne parle pas) lui en ont fait, à diverses reprises, retirer la permission.

Le commandeur ne fait que toucher barre à Saint-Cloud d’où il doit repartir pour sa commanderie et, de là, aller voyager dans la région de Toulouse. Inutile de chercher à le joindre : il s’évade ou ne répond pas. Mais la tante de Villeneuve a pris goût aux affaires de famille et prétend mener à bien un arrangement, dont elle a eu l’idée, avec les créanciers de l’abbé. On sacrifierait, au besoin, mille écus, et, peut-être, quatre mille livres, pour avoir leurs quittances. De fait, ils se déclarent prêts à les donner, mais c’est le paiement des mille écus qui ne vient pas. Le règlement n’avance pas plus que celui du compte de Fage, qui a été enfin arrêté par les arbitres.

La marquise estime qu’on ne la laisse en face de tant de difficultés que pour lasser sa patience et obtenir d’elle qu’elle demande la séparation d’avec son mari. Elle aimerait mieux être réduite à rien ! Ses proches, qui ont tout envisagé, même la banqueroute, et pris leurs précautions en conséquence, n’ont qu’à faire sortir le marquis pour la tirer de souci. Mais ce n’est point le sentiment de la présidente qui cuit sa viande à petit feu et attend son heure. Elle a autrefois travaillé à la liberté de son gendre ; elle n’en a retiré que des déboires et sa fille a été la première à en pâtir. Tout est bien comme il est. Gaufridy, quoique dépourvu de pouvoirs réguliers, ne doit songer qu’à tenir ses comptes en règle et à faire pour le mieux : son zèle et son intégrité ne sauraient être blâmés.

Madame de Montreuil se refuse du reste à suivre l’avocat dans ses plaintes rétrospectives sur mademoiselle de Rousset. Elle ne connaissait pas assez le caractère et les pensées de celle-ci pour se prononcer sur son compte, mais il est très certain que madame de Sade n’a jamais ôté sa confiance au régisseur. Si Rousset en a bénéficié avec lui, c’est que les circonstances l’avaient voulu ; c’est elle qui, après l’arrestation, était venue à Paris portant toutes les clefs ; il n’était donc que juste qu’on