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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


il ne juge pas à propos de relever le gant et laisse prendre défaut. La séparation est suivie d’une liquidation difficile. M. de Sade demande à Gaufridy de lui envoyer les pièces qui l’aideront à repousser les prétentions des Montreuil et, notamment, l’état des sommes que l’avocat a touchées depuis 1778 et de celles qu’il a remises à madame de Sade.

Sur la médiation de Reinaud, qui se trouve à Paris, on tombe toutefois d’accord que madame de Sade recevra annuellement quatre mille livres pour les intérêts de sa dot répondue sur les biens de son mari. Ce pacte à peine scellé, le marquis accuse les Montreuil de lui avoir présenté un faux état des revenus de ses terres et s’avise ensuite que sa femme ne lui a point rendu compte de l’héritage de madame de Sade mère, qu’elle a recueilli pendant sa captivité. L’année se termine sur un nouveau procès que la marquise gagnera d’ailleurs entièrement. Mais elle ne touchera jamais un sou.

M. de Sade écrit beaucoup, mais avant tout sur lui-même. Les événements du jour occupent peu de place dans ses lettres, tandis qu’ils en prennent une grande dans celles des fermiers et des régisseurs, qui y trouvent des raisons de ne point payer ou des excuses à ne point recevoir. On voit, en lisant leurs relations, la contrainte pénible que s’imposent les seigneurs ou leurs tenanciers pour paraître d’accord avec la nation : ils illuminent leurs châteaux, participent aux contributions patriotiques, reçoivent avec honneur l’arpenteur municipal, le contrôleur et l’exacteur des tailles. La révolution marche dans le Comtat plus vite et plus brutalement que partout ailleurs. Les consuls se démettent de leurs chaperons ; le vice-légat demande son rappel ; M. son dataire n’attend pas de l’avoir ; l’envoyé du pape tourne bride. Les états généraux de la province renchérissent sur ce qui se fait à Paris ; le peuple abolit de lui-même les droits purement personnels et ne s’acquitte point des autres. Il y a maintes séditions et pilleries.

Le marquis, à peine installé, est volé par un serviteur que son ancien valet Langlois lui a désigné. Il ne perd pas son temps à courir après le coupable, mais avise Langlois qu’il lui retiendra, pendant cinq ans, la pension de trois cents livres qu’il lui a accordée. Toutefois sa conscience se met à parler aussitôt que son intérêt a cessé de le faire. Pour qu’il n’en coûte rien à son ancien domestique, M. de Sade l’envoie à sa tante de Villeneuve, auprès de qui il a multiplié les protestations de dévouement et d’affection avec une telle assurance dans le mensonge qu’elle décourage la critique, et lui suggère de le prendre à son service.