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MARQUIS DE SADE — 1790
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fille si le mari revient. Madame de la Coste est trop vieille pour que j’aille marchander à la payer, après ce que j’ai fait d’honnête à ce sujet. Je ne ferai point cette vilenie, elle détruirait tout l’effet de mon bon procédé. Laissons les choses comme elles sont, et, dussions-nous souffrir un petit brin, ne nous repentons jamais d’avoir été honnête. Je vois que vous pensez aussi que madame de Raousset a beaucoup d’or, ainsi qu’on me le mande. Je ne puis lui envoyer personne qui lui plaise mieux que le chevalier, personne plus en état de bien attaquer la place. Je laisse le pillage à sa discrétion, bien assuré qu’il me fera bonne part……

Nous voici donc parvenus à cette phrase soulignée, si intéressante et que vous écrivez avec tant d’amabilité pour le repos de ma vie. Je puis donc compter, mon cher avocat, sur mes trois sommes de trois mille trois cent trente livres ; savoir l’une au premier janvier 1791, la seconde au premier mai, et la troisième au premier septembre ? Voilà qui va à merveille sans doute, mais une clause, et une clause très importante, c’est que les envois me parviennent exactement aux termes exacts et précis des premiers janvier, mai et septembre[1]. Ce que je vais dire a l’air exagéré. Je vous donne pourtant ma parole d’honneur que rien n’est plus au pied de la lettre. Le dérangement que vous me causez est tel que, dès que vingt-quatre heures sont écoulées après le terme, je suis obligé ou de mettre en gage, ou d’emprunter à mes amis. Ce cas-là vient d’arriver dans le retard que vous venez de me faire éprouver……


Le marquis a rompu avec la présidente de Fleurieu et décrit son nouvel intérieur, rue Neuve-des-Mathurins. (Sans date).

……Hélas oui, mon cher avocat, mon mariage est rompu, au point même de ne plus se revoir[2]. Pour vous donner une idée de ma situation actuelle, représentez-vous un bon gros curé de campagne dans son presbytère. Ma petite maison rue Neuve-des-Mathurins, no 20, Chaussée d’Antin, n’oubliez pas cette adresse, ressemble beaucoup à un presbytère. Je suis là avec une bonne gouvernante, qui, au moment où je vous écris, fait un sabbat affreux dans la maison parce qu’on lui a égaré la clef de sa cave, une cuisinière et un laquais ; voilà tout mon train, toute ma livrée ; est-ce trop ?

Mais, à propos de cave, mandez-moi donc un peu quel est l’état de la mienne. Y a-t-il encore quelques bouteilles d’aléatico ? et les Rousset ont-ils attaqué la cave comme la bibliothèque ?……

Si le lit nommé lit de madame, qui était dans le grenier au-dessus de ma chambre d’hiver, si, dis-je, ce lit, qui est celui que je désirais, attendu

  1. En marge : « Article à relire et à exécuter avec la plus grande exactitude. Je le demande en grâce à M. Gaufridy. »
  2. Il s’agit de madame de Fleurieu, sans aucun doute.