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MARQUIS DE SADE — 1792
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à venir à la Coste car ses anciens vassaux ont figuré en bonne place dans la sédition. Les jacobins du village se sont en outre mis en tête de faire abattre ses créneaux. M. de Sade envoie aussitôt un long plaidoyer au président du club des amis de la constitution de la Coste, où il se recommande de son séjour à la Bastille. Il pense que la mauvaise renommée de cette prison tournera à profit de ménage. Mais, de toutes façons, l’humeur démolissante des Costains le pousse à prier Gaufridy de hâter son quatrième chargement. L’avocat fera démeubler et lui enverra sans plus attendre la grande cassette, après s’être assuré qu’elle ne court aucun risque d’être ouverte, ainsi que divers objets de son cabinet d’histoire naturelle, dont un superbe priape en bague, et ses papiers, y compris les lettres du procès de Paris. Il serrera le surplus et recourra, si besoin est, aux chefs militaires de la région, dont plusieurs ont été, dans le temps, les amis du marquis.

Le vent souffle du mauvais côté. M. de Sade fait néanmoins le projet de venir passer l’été de 1793 à Avignon avec la citoyenne Quesnet, de qui un billet sans date loue, à cette occasion, les vertus. Mais Avignon n’est pas plus sûr que la Coste. Tout le midi est en effervescence. Arles est mise au pillage par les troupes de trois départements qui se sont abattues sur elle « avec une quantité immense d’artillerie ». Lions a fui et écrit des lettres égarées sur ce qu’il a souffert et sur les exactions dont il n’a pu défendre les biens du marquis. C’est en vain que dans le Comtat les fermiers illuminent les châteaux aux frais des seigneurs à chaque passage de troupes et à chaque fête civique : on les remarque tout de même. Ripert n’écrit plus qu’en tremblant, en empruntant la main d’un tiers et sans signer.

La Provence est si agitée qu’elle se répand au dehors comme une eau en ébullition. Un Costain, du nom de Payan, est venu à Paris où il fait rage : le marquis le cherche partout pour s’amuser « du gonflement de sa figure et de ses épaules. » La fille de la Soton y arrive à son tour, jambe de ci jambe de là sur un cheval, dans le dessein de faire passer à l’assemblée un mémoire contre Gaufridy dont elle demande la tête. Le marquis fait l’impossible pour calmer cette créature qui est accompagnée d’un soldat inconnu. C’est, dit-il, madame de Sade qui la conseille mal, mais leur vieille amitié ne conseille pas mieux Gaufridy qui le laisse mourir de faim. Les griefs de la Soton sont nombreux et confus, et l’avocat a dû mourir de peur en lisant les lettres où le marquis lui conte ses tentatives pour la réduire au silence. Il n’y réussit