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MARQUIS DE SADE — 1792
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Ripert fils, qui peut-être a eu peur davantage, se flatte d’avoir été plus courageux que l’avocat en assistant au repas patriotique de la fête nationale. (16 juillet 1792).

……Je ne suis pas si peureux que vous, mon cher M. Gaufridy, et j’ai pu faire contre mauvaise fortune bon cœur, c’est-à-dire qu’au lieu de fuir la fête de la nation, crainte d’événement, comme vous l’avez fait, j’ai au contraire assisté à toutes les cérémonies et au souper patriotique qu’il y eut hier ici. Tout s’est passé fort tranquillement ; je n’ai pas laissé pourtant de me faire bien de violence aux cris continuels de « Ça ira » que j’entendais de toutes parts. Votre perruquier, qui est assez bon patriote, vous fera le récit de cette fête……


M. de Sade se ménage une preuve de civisme en faisant attester conforme aux originaux, par les citoyens Macarel et Girouard, la copie de trois lettres qu’il écrit au président de Montreuil, à sa femme et à ses fils touchant l’émigration de ceux-ci.

Copie de la lettre écrite à M. de Montreuil, mon beau-père, demeurant rue de la Madeleine-Saint-Honoré, no 9.

Monsieur,

Vous n’ignorez pas sans doute le décret qui met en état d’arrestation et sous le glaive de la loi les parents des émigrés.

Vous avouerez, monsieur, qu’il est très dur pour moi que, perpétuellement la dupe, et des manœuvres, et des projets de votre famille, je devienne encore, dans ce cas-ci, la victime de ses imbéciles procédés, car il n’y en avait assurément pas un dans le monde, et plus bête, et plus dangereux, que celui de faire émigrer mes enfants. Je ne vois pas que, de ce que les vôtres, par une ambition aussi ridicule que mal entendue, ont voulu faire cette balourdise, il devînt nécessaire que les miens l’imitassent.

Était-ce pour prouver votre haute noblesse que vous vouliez que vos enfants, vos neveux allassent se ranger au rang des nobles ? Moi, monsieur, qui n’ai jamais eu cette risible folie, je n’ai désiré dans les miens que du patriotisme et de la bonne foi. En émigrant, ils ont manqué à l’un et à l’autre, et plus encore à moi qui m’y suis toujours fortement opposé, et devant des témoins de votre connaissance. Que madame de Montreuil, votre ambitieuse moitié, sacrifie tout, trahisse tout, pour tâcher de redonner la vie au squelette empesté de la dégoûtante robinocratie et à la griffe pestilentielle des ministres à lettres de cachet, rien de plus simple, mais moi, monsieur, qui ai écrit, imprimé, déclaré à tous ceux qui ont voulu me lire ou m’entendre que j’étais prêt à perdre jusqu’à la dernière goutte de mon sang plutôt que de me prêter à rien de ce qui pourrait rappeler en France le détestable régime dont j’ai tant souffert, moi, dis-je, monsieur, furieux