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MARQUIS DE SADE — AN I.
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dans vos maudits envois, j’aurais tout sauvé en détail…… Les scélérats ont brisé, cassé ce qu’ils n’ont pu emporter. On dit que le département a ordonné que tout soit porté à Marseille. Et de quel droit ? Ne suis-je pas à mon poste ? N’avaient-ils pas vu mon certificat de résidence ? Avec de tels procédés, ces gueux-là feront bientôt haïr leur régime, quelque raison qu’on ait d’y être attaché. On dit qu’on a sauvé quelques effets. Écrivez, je vous en conjure, sur le champ, à quelqu’un de confiance pour mettre en sûreté et dans un lieu sain ce qu’on a pu sauver.

Il y a un dessous de cartes à tout cela, mais je le démêlerai. J’écris au département une lettre un peu vive, peut-être, mais placée[1], et je vais faire à l’assemblée toutes les démarches nécessaires pour être dédommagé. Mandez-moi tous les détails que vous aurez pu savoir et recommandez bien ce qui reste jusqu’à mon arrivée. On dit que la municipalité s’est bien conduite. Je lui écris une lettre de remerciement. Adieu, adieu ! J’ai la mort dans le cœur ! La lettre qui m’instruit est de Reinaud.


M. de Sade conte qu’il a été chargé par sa section de lever les scellés chez les Montreuil et déclare ne plus avoir de « prétention aristocrate ». (30 octobre).

……L’histoire de la cassette arrivée toute vide est très extraordinaire. Je me rappelle à ce sujet une ancienne lettre de mademoiselle de Rousset qui disait qu’elle avait vu un jour Gothon redescendre de la cache où était cette cassette, son tablier plein. Qu’a fait cette coquine de ce qui était dans cette cassette ? Par quel ordre a-t-elle agi ? Si c’est madame de Sade qui a fait faire ce coup, à la bonne heure, mais si ce n’est ni elle ni sa famille cela m’inquiète. Communiquez-moi vos idées sur cela, je vous en prie, car vraiment cela me tracasse. Ce qu’il y a de bien sûr, c’est qu’il a fallu faire faire une clé, car, en revenant avec l’exempt de police, je l’avais perdue exprès dans la route et la serrure, quand j’ai reçu ici la cassette, n’était nullement endommagée. Tout cela est extraordinaire ; je vois bien que ces gueux de Montreuil pourchassaient de certains papiers relatifs à la demoiselle de Launay qu’ils n’ont pourtant pas eus, et que vous m’avez vous-même fort soigneusement envoyés, sans vous en douter. Comme les Montreuil sont bêtes et coquins ! À ce propos, permettez-moi une petite incursion qui vous fera rire : on a, comme vous l’avez su, fait une visite générale à Paris dans toutes les maisons. À cette visite, les Montreuil ne s’y trouvant point, on a mis le scellé chez eux. Ils demandent maintenant qu’on le lève ; or, comme ils sont logés dans ma section, je suis au moment d’être nommé commissaire pour cette levée de scellé, et je vous réponds que si j’y trouve de l’aristocratie, comme cela n’est pas douteux, je ne les épargnerai pas.

  1. Elle n’est pas partie ; le marquis, s’est avisé à temps que, « selon son usage », il y avait mis des choses trop fortes.
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