Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/417

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AN III


Le marquis est mis en liberté après dix mois et demi d’une détention dont il décrit les rigueurs matérielles et les angoisses. L’ordre est donné aux districts de lever le séquestre mis sur ses biens, et, quoique parent d’émigrés, il est autorisé par le comité de sûreté générale à rester à Paris pour y continuer la publication de ses ouvrages patriotiques.

Gaufridy a disparu avec un de ses fils. La révolution a fait un outlaw de ce paisible garde-notes et M. de Sade parvient avec peine à renouer avec lui. Il s’emploie aussitôt à obtenir la grâce de son régisseur, toujours par les bons offices de la citoyenne Quesnet qui a de nombreux amis et apporte tout son dévouement à servir ceux du marquis. Celui-ci remet une pétition au député Goupilleau qui s’intéresse à l’avocat et fait espérer une solution favorable. La liberté de Gaufridy est enfin obtenue, mais qu’il ne prenne point le change ! C’est à la seule pétition du citoyen Sade (elle a fait merveille car il commence à avoir le tour de main) et aux démarches de Quesnet qu’il la doit. On est fâché que l’avocat ait cru devoir faire toucher Goupilleau par une autre voie.

Le marquis se dévoue pour ses amis, mais il n’a pas le sou ; tous ses effets sont en gage et, « n’ayant plus aucun motif de conserver ses biens à d’autres », il ordonne qu’on hâte la vente de la Grand’Bastide de Saumane. Il presse de nouveau et à diverses reprises son régisseur de prendre la ferme générale de ses biens, pour un loyer qui varie avec l’occasion et pour des périodes allant de un à dix-huit ans.

M. de Sade habite rue Neuve-des-Mathurins, comme avant sa captivité, mais il a passé du numéro 871 au numéro 876. Peut-être n’est-ce là qu’une erreur car il déclare avoir gardé sa maison « pour ne pas paraître coupable en la dissolvant » et pour la conserver à sa compagne dont le dévouement l’a tiré de ce mauvais pas. Il a désormais des amis dans la Convention, grâce à elle, et sa petite part de crédit.

Reinaud est mort et M. de Sade l’a pleuré.