Victoire, mon cher et digne ami ! Je suis assez heureux pour vous rendre à vous, à votre aimable famille et à votre tranquillité……
Je ne dois point vous laisser ignorer les soins et le véritable intérêt que la citoyenne Quesnet, mon amie, et demeurant même maison que moi, a pris à votre affaire. Elle seule l’a fait réussir, et elle sera flattée d’une petite lettre de remerciements de votre part. Goupilleau est très bien disposé pour vous et il a dit que, si votre fils n’était que caché, et point émigré, il se chargeait de le faire reparaître avec tranquillité. Dites-moi donc ce que vous voulez que je fasse sur cet objet. Je me presse pour que vous ayez ma lettre plus tôt. Je vous dirai le reste dans ma première. Je vous embrasse dans la joie de mon cœur d’avoir réussi……
Je suppose, mon cher citoyen, que vous avez dû recevoir votre liberté avant hier trente frimaire et qu’aujourd’hui, deux nivôse, vous devez être parfaitement tranquille… Tout ce que je vous demande, c’est de convenir que vous n’avez pas attendu.
Il n’en est pas de même de l’argent que j’attends de vous, mon cher citoyen……
Quinquin dit que madame de Villeneuve veut m’acheter Mazan. Ce serait une excellente affaire pour moi. Tâchez de me faire réussir cette affaire le plus tôt possible. Il me faut deux cent mille francs de Mazan en assignats ou cent trente mille livres en numéraire, et encore faut-il tâcher qu’elle me le laisse à sa mort. Pressez cette affaire, elle est très essentielle et il faut tâcher que la bonne dame ne meure pas avant que de la finir……
Je commence par quelque chose de rare, j’écris dans une chambre assez chaude, et cependant le froid que nous éprouvons est tel que (ce que je n’avais jamais vu) mon encre se gèle en écrivant et je suis obligé de la tenir au bain-marie, et avec cela point de bois ; on n’obtient qu’une voie pour deux mois au prix de quarante francs. Tout est de même ; avec vingt-cinq francs par jour on meurt de faim……
J’ai lu avec bien du chagrin dans la liste des victimes d’Orange, le nom de ceux que je connaissais et principalement celui de M. d’Autric ; c’est affreux, mais il faut encore malheureusement s’interdire toute réflexion