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MARQUIS DE SADE — AN III.
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Goupilleau, chez lequel ils ne m’ont point paru pressés d’aller…… Il me suffit qu’ils viennent de votre part pour que je fasse pour eux certainement tout ce qui dépendra de moi, mais mes moyens sont bien petits dans ce moment-ci. L’un d’eux, le plus jeune, en sa qualité de neveu de la demoiselle Rousset, n’avait pas besoin d’autre recommandation près de moi. J’ai été fort aise de voir un parent de cette aimable et ancienne amie……

Nous avons déjà passé les degrés de 1740 et 1709. On n’a pas d’idée du froid qu’il fait ; et nous manquons de tout. L’eau même est aujourd’hui plus chère que n’était autrefois le vin. Avec tout cela, je ne me porte pas bien, ma détention nationale, la guillotine sous les yeux, m’a fait cent fois plus de mal que ne m’en avaient jamais fait toutes les bastilles imaginables. Envoyez-moi donc de l’argent, je vous en conjure, et ce qui s’appelle tout de suite……

Madame de Sade vient de perdre son père. Ne l’aviez-vous pas vu en Provence ? Adieu, je vous embrasse et vous demande de l’argent à corps et à cris. Sade.


Le marquis prend part à la douleur de l’avocat, mais le supplie de ne pas oublier son argent.

……Je conçois vos regrets, vos chagrins et vous plains bien sincèrement de la perte terrible que vous avez faite. Je ne vous en parlais pas, vous me l’aviez défendu. Maintenant que cela me paraît public, et que nos compatriotes eux-mêmes me l’ont dit, je vous en fais mon douloureux compliment avec toute la sensibilité dont vous me savez pénétré pour vous. Mais, mon cher et bon ami, en pleurant les morts, ne laissez pas mourir les vivants, et c’est pourtant où votre terrible négligence me réduit. Mon argent, je vous en conjure.

Je vous embrasse. Sade.

Ce 12 pluviôse.


Le marquis entreprend madame Gaufridy d’une façon assez inopportune.

Citoyenne,

Le silence désespérant de votre époux me contraint à m’adresser à vous pour vous supplier de m’en donner des nouvelles. Voilà deux mois que je meurs de faim et que je ne puis arracher de lui ni un sol ni même une réponse. Il ne m’est absolument plus possible d’attendre davantage. J’ai, par vingt lettres consécutives, instruit votre mari de mon affreuse position et il ne me répond seulement pas. Je vous conjure de l’engager à m’envoyer sur le champ mon quartier de janvier et à presser la vente en question. Je vais sous huit jours me trouver obligé de partir et d’arriver chez vous pour y subsister, puisque je ne puis arracher un sol du citoyen Gaufridy.

J’ai pris la plus grande part aux malheurs qui vous sont arrivés,

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