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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


sent dans ce compte. Eh bien ! Tout est arrangé ! Le citoyen Perrin qui est à Paris, lequel par parenthèse est très aimable, m’a fait l’amitié de me venir voir à la campagne où je suis, et il m’a dit que je pouvais compter qu’Archias son ami ne refuserait pas de me prêter cette somme……

Allons, mon cher citoyen, déridez-vous donc maintenant et ne m’accusez plus, comme vous le faites, de vous avoir ôté ma confiance. Croyez qu’elle vous est et qu’elle vous sera perpétuellement acquise, mais, je ne vous le cache pas, quand vous voulez faire la sourde oreille sur des objets qu’il m’est extrêmement essentiel de vous faire entendre, cela me désespère. Reprenez donc votre gaieté, reprenez votre confiance et votre amitié, et surtout continuez-moi vos soins……

Je ne vous pardonne pas la phrase suivante :

« Je n’aurais jamais dû m’attendre que vous aggraveriez mes chagrins ; s’ils vous sont devenus indifférents, du moins vous ne devriez pas être injuste. »

Jamais, mon cher et ancien ami, jamais, croyez-le, vos chagrins ne me seront indifférents et jamais je ne serai injuste à votre égard. Mais je tenais à mes soixante quatorze mille deux cent cinquante-quatre francs, savoir soixante et un mille francs pour m’acheter une maison et treize mille deux cent cinquante-quatre pour y vivre tranquille le reste de cette année……


M. de Sade apprend que ses fils n’ont jamais émigré, au moment même où un nouveau décret va rendre sa position dangereuse, et il veut que Gaufridy publie cette nouvelle.

……Vers le milieu de 1790, l’histoire de ma séparation avec madame de Sade jeta un froid infini entre elle et moi, entre moi et ses enfants. Ceux-ci le virent et s’éloignèrent. Embarrassés du parti qu’ils prendraient entre un père et une mère séparés, ils crurent que le plus simple était de quitter Paris et le service. Tous deux alors nous quittèrent et se séparèrent. Je frémis pour l’émigration, je fis part de mes craintes à madame de Sade, à sa famille, et l’on ne me répondit que par un silence qui redoublait encore mon effroi et qui n’était pourtant que l’effet de la méchanceté de cette famille qui savait parfaitement que ces enfants n’étaient point émigrés, mais qui voulait me le laisser croire, ou pour me tenir toujours dans un état de stupeur qui m’empêchât de me trop jeter dans la révolution, ou pour se réserver peut-être un prétexte à me remettre en prison. Telles furent les circonstances où je fus arrêté. Je crus alors que c’était pour cela. Le séquestre mis sur mes biens semblait légitimer mes craintes, et cependant il n’en était rien. Jamais la prétendue émigration de mes enfants ne me fut alléguée ; les plus graves, les plus calomnieuses imputations de mon comité révolutionnaire n’en parlaient pas ; le comité de sûreté générale en un mot me fit passer, sur mes demandes, des motifs bien différents de cela et où l’émigration n’était pour rien ; vint ma sortie, et le séquestre, vous le savez, fut