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CORRESPONDANCE INÉDITE DU

Le travail qu’il exige des autres a fatigué le marquis. Il est tombé malade et il n’a pas le sou pour se faire soigner. Son état exige qu’on fasse tout ce qu’il dit et qu’on s’abstienne de lui écrire un seul mot qui puisse l’affecter désagréablement. Or Charles n’a cure de sa santé et chacune de ses lettres lui cause un transport mortel.

Il mérite pourtant plus d’honnêteté ! C’est grâce à la peine qu’il s’est donnée et surtout aux nombreuses démarches de Quesnet, qui est bien plus subtile que lui, que François Gaufridy, sur le point d’être pris par la réquisition, a pu obtenir un congé.

Mais, puisque Gaufridy oublie les services qu’il doit comme ceux qu’on lui rend, M. de Sade s’est vu contraint de lui envoyer une injonction sur papier timbré pour lui rappeler ses obligations et le mettre en demeure de les remplir. Ce papier timbré-là n’a rien de commun avec celui du citoyen Roux, et il faut que l’avocat ait l’intellect tourné vers le bizarre pour avoir vu quelque chose de mal propre dans ce procédé. Injonction n’est qu’un terme de notaire et c’est assurément prière à un ami qu’il faut lire. Voire, au lieu de faire signifier cette pièce par le juge de paix ou par un huissier, comme il en avait eu d’abord l’intention, le marquis s’est borné à la faire remettre à son régisseur par leur ami commun Paulet, contre une simple promesse d’obtempérer ! L’injonction est sage et honnête. Elle contient simplement un canevas de tout ce qu’il importe de faire jusqu’au premier mai prochain, car, à cette date, tout changera ! Oui, à cette date, avocat, il se produira quelque chose qu’on ne peut pas vous dire encore, mais dont vous aurez lieu d’être content !

En attendant, si Gaufridy n’a pas réussi à vendre Mazan, le marquis, lui, a vendu la Coste au député Rovère. Mais on doit éviter par tous les moyens que les créanciers viennent mettre la main sur le prix, éventualité dont M. de Sade s’avise après coup et qui le fait suer d’angoisse. Parmi ses créanciers se trouve la marquise dont la dot est garantie par hypothèque sur le bien vendu, mais, puisque l’argent doit être employé à acheter une autre maison de campagne dans la banlieue de Paris et qu’il sera directement touché par le vendeur, madame de Sade ne perdra point sa garantie et il n’est pas du tout nécessaire de l’avertir de l’opération. Si elle en est instruite l’avocat n’aura qu’à la complimenter d’un changement qui mettra son nouveau gage bien plus à sa portée.

Gaufridy n’a pas été oublié, car le contrat prévoit en sa faveur une