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MARQUIS DE SADE — AN IV.
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ce que mon fils aîné demande, c’est de trouver quelqu’un qui veuille lui tâter les flancs sur cet objet. Ce serait une occasion pour lui de prouver l’extrême degré où il est en règle et c’est ce qu’il veut.

À l’égard du cadet, il est à Malte avec permission du gouvernement. Les certificats que je vous ai fait passer à cet égard devaient assez vous convaincre pour vous faire supprimer l’indécente expression : « S’il n’ose pas ».

À l’égard de moi, citoyen, je vois que vous êtes peu au fait de ce qui me regarde en me disant qu’on blâmait et qu’on arrêtait votre père parce qu’il régissait les biens d’un aristocrate. Ayez donc la bonté de savoir que c’est l’aristocratie qui m’a fait arrêter et non les patriotes, que ceux qui, sous Robespierre, m’ont fait mettre en prison sont les mêmes que ceux qui m’avaient fait mettre à la Bastille. Il était certes bien impossible que ceux qu’on appelait alors les patriotes fissent arrêter le citoyen Sade qui, depuis longtemps, présidait leur assemblée, qui allait aux Jacobins, qui faisait l’éloge de Marat au milieu de Paris et qui fit à la Convention la fameuse pétition du culte de laquelle on partit pour tout renverser. Oui, citoyen, c’est l’aristocratie déguisée, et cela est bien reconnu aujourd’hui, qui m’a fait arrêter, parce que je me montrais trop dans le patriotisme. C’est elle qui, méchamment, me banda les yeux sur mes enfants, du sort desquels elle était maîtresse et qu’elle savait bien pouvoir faire remontrer et reparaître sans crainte au besoin……


Le marquis proteste à Charles Gaufridy de l’honnêteté de son « injonction » et jure, par l’héritage de son père, qu’il lui donnera bientôt la preuve de son attachement.

……Il n’y a absolument rien qui doive vous donner de l’humeur dans l’injonction ; si c’est le mot qui vous fâche, rayez-le et mettez à la place celui de prière à un ami, mais le notaire n’aurait pas rédigé l’acte avec ce titre. C’est lui qui a fait mettre celui d’injonction. Au nom de Dieu, attachons-nous aux choses, et ne chicanons pas les mots ! Cette injonction est indispensable ; elle est nécessitée par les événements présents et futurs ; elle l’est par les circonstances. Au nom de Dieu, qu’elle ne vous fâche pas et conformez-vous y ! Il est affreux que vous ne vouliez pas m’entendre. Non, je ne puis pas faire autrement ; il faut que l’injonction ait lieu dans toute sa force et teneur, il le faut, il le faut, et ce sont les circonstances qui m’y forcent ! Patientez donc jusqu’au mois de mai ; à cette époque je vous proteste que vous serez content……

Mon amitié, ma confiance en vous et votre famille, loin de diminuer, s’augmente et vous en aurez de bonnes preuves en mai. F..! laissez-moi donc tranquille jusque-là, et coupez-moi les deux c… si vous n’êtes pas content à cette époque ! Je vous regarderais comme un malhonnête homme et comme un lâche si vous quittiez mes affaires jusque-là, et je vous réponds qu’alors vous n’aurez pas envie de les quitter……