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MARQUIS DE SADE — AN VI.
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cousin Sade, d’Eyguières, qui a émigré, et il veut en être payé sur les biens de son débiteur, que l’on va mettre en vente. Mais il a encouru la déchéance, faute d’avoir déposé ses titres dans le délai, et il prie le factoton de la famille de suivre cette affaire. Il regrette le midi et sa santé n’est point bonne. Il n’a pas oublié la fille de l’avocat, qui parle provençal avec un si joli accent. Son frère, le chevalier, devait porter les compliments qu’il confie au papier, mais il est à Lyon où il passera l’hiver.

Le marquis et Quesnet ont tout fait pour obtenir la radiation, mais ils n’ont eu que des déboires. L’affaire est mal enfilée. M. de Sade a été joué par la police ; il n’a joint que des sous-ordres qui ne lui ont point fait de bien, mais qui peuvent lui faire beaucoup de mal s’il s’avise de manifester son mécontentement. Il faut donc agir en Provence et c’est à Gaufridy qu’il appartient de le faire : déposer une pétition au département, s’y rendre, se montrer. Diable !

Le marquis se propose de voir Barras qui est d’Avignon. Mais n’est-il pas instruit, par ses origines, des anciennes histoires et fera-t-il paraître pour M. de Sade les sentiments d’un confrère ou ceux d’un censeur ? Le dénuement du marquis est tel (Resque et Paîra sont à ses chausses) qu’il ne peut plus attendre. Le seul moyen de le tirer de là est de vendre secrètement à Lombard une partie du mas de Cabanes en antidatant l’opération. Madame de Sade n’a jamais fait arpenter le domaine et ses enfants en ignorent la contenance exacte : ils n’y verront que du feu. Les autres créanciers ne sauront rien non plus, si l’on est prudent. Du reste on peut toujours leur faire le coup de « l’opposition plus ancienne » que l’on ignore en province, mais que le marquis a pratiqué avec succès à Paris. Il consiste à faire surgir un faux créancier qui arrête les fonds, les met dans sa poche et les restitue sous le manteau. M. de Sade s’est servi de Quesnet. Gaufridy est tout désigné pour remplir le même rôle en Provence !

Arles est encore libre tandis que les terres du Vaucluse sont déjà sous séquestre. Les agents de M. de Sade (il en paraît beaucoup et ils disparaissent de même) n’osent plus correspondre avec lui et Gaufridy reste seul attaché, mais la mort dans l’âme, à sa périlleuse mission. Il n’en est point récompensé, car le marquis, qui réclame toujours, ne fait rien pour qu’on puisse le satisfaire. Il veut louer son mas à des conditions par trop déraisonnables, ne rien mettre en état, tirer le maximum et toucher, par surcroît, une forte avance. On hausse les