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MARQUIS DE SADE — AN VI.
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son acte de naissance qu’il a sous les yeux. Cependant il affirme, dans une autre lettre, qu’Aldonze n’a jamais été son nom et que, quoi qu’en ait dit feu son oncle l’abbé, c’est sous celui d’Alphonse qu’il a été inscrit sur les registres de la ci-devant paroisse de Saint-Sulpice. Il est vrai que les extraits dont il se sert lui ont été délivrés par sa mairie et qu’ils ne font aucune mention du protocole et du « bavardage » (tels que les mots : « hôtel Condé », « haut et puissant seigneur ») qui rendraient la production de l’acte original inopportune.

Mais c’est maintenant entre les divers certificats de résidence produits par le marquis qu’il y a discordance dans les prénoms ! Les uns le désignent sous ceux d’Aldonze François, les autres sous celui de François seul, d’autres enfin sous ceux de François Aldonze Donatien Louis, et le ministre de la police fait connaître que le bureau de révision a ajourné son rapport jusqu’à ce que la concordance ait été restituée et l’identité établie entre le Sade inscrit et provisoirement rayé sur la liste des Bouches-du-Rhône et le citoyen résidant dans la ci-devant section des Piques.

Sade estime pourtant que la radiation n’est plus qu’une question de jours. D’autre part Charlotte Archias a obtenu de son beau-frère qu’il partît pour Arles. Le bail va donc être passé. Mais il faut louer pour dix ans en exigeant beaucoup du preneur pendant les premières et en lui faisant pour les autres autant d’avantages qu’il le voudra. Les vaches grasses seront pour le citoyen Sade et les maigres pour ses héritiers.

Devant tant d’alibiforains, Gaufridy se méfie : il demande à voir l’arrêté de mise en surveillance avant de partir. Hélas ! le marquis ne l’a pas ! On l’oblige à avouer des choses dangereuses. La surveillance était promise, mais contre paiement. Il n’a pas pu payer et il attend encore. Si Gaufridy n’envoie pas douze cents livres, il perd son ami !

Cependant le fermier provisoire d’Arles a eu vent de tout ce micmac. Il déclare qu’il ne paiera aucun loyer tant que le marquis restera inscrit sur la vingt-neuvième liste d’émigration du département. Le receveur des domaines s’émeut à son tour et réclame pour lui les termes arriérés. Le séquestre a gagné le mas de Cabanes sans même avoir été prononcé.

La situation du marquis est horrible. Il n’a point de souliers ; ses derniers meubles sont engagés. C’est en vain qu’il écrit, une seconde fois, à mademoiselle Charlotte : tout a été perdu faute d’argent. Le