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CORRESPONDANCE INÉDITE DU


règle que Catalignon soit sous les verrous lorsque Don Juan court encore. Nous retrouverons cette Nanon et ce Langlois.

La diplomatie entortillée de madame de Montreuil lasse jusqu’aux agents qu’elle emploie et, parmi eux, l’abbé comte de Sade, prévôt de Saint-Victor de Marseille, qui travaille avec elle et selon ses vues à débrouiller les affaires de la famille. La marquise songe à retourner en Provence. Elle est irritée de l’union des Montreuil et des Sade contre son mari. Celui-ci est en Savoie et ne donne point de nouvelles. On le croit à la Coste et sa femme en conclut qu’on le laisserait en paix s’il s’y trouvait en effet. Elle apprend qu’il a fait une chute et lui conseille derechef de revenir, car « au lieu où il est il n’a que les secours que peut lui procurer son argent ». Gaufridy veillera à ses besoins, à sa guérison, à sa sûreté. Elle annonce son retour pour le quinze octobre et déclare avoir obtenu la levée de la lettre de cachet. On n’attend que la rentrée du parlement pour faire éclater la réhabilitation du marquis, mais la plus grande discrétion est de rigueur.

Madame de Sade rentre à la Coste vers le milieu de novembre. Ses ressources sont épuisées et elle essaie en vain de faire accepter à sa mère une lettre de change de dix huit cent livres pour retirer son argenterie qu’elle prétend avoir engagée à des juifs de Mazan. Mais la tentative ne réussit pas et il faut chercher autre chose ; l’on a fait de grandes dépenses pour clore le château de murs.

Les lettres ne disent point si le marquis est revenu à la Coste avec sa femme, ou s’il l’a précédée ou suivie. Mais il paraît certain qu’ils se sont rencontrés à Lyon où ils ont engagé un jeune secrétaire en cachant aux parents que M. de Sade était l’homme des procès de Paris et de Marseille. C’est vraisemblablement aussi à leur passage dans cette ville que la marquise a pris avec elle les fillettes que la correspondance désigne ordinairement sous le vocable « les petites de L. et de V. » (de Lyon et de Vienne).

Le ménage s’enferme. La poterne est close après trois heures ; les feux sont voilés. Bientôt la marquise se croit grosse, mais la nouvelle est fausse, ou, plus exactement, ce n’est pas d’elle qu’il s’agit.