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Page:Sade, Bourdin - Correspondance inédite du marquis de Sade, 1929.djvu/82

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1775


Le château de la Coste fait, en cet hiver de 1775, figure de la maison de l’ogre. Les lettres du fonds Gaufridy ne disent pas tout, mais elles montrent nettement ce que la prudence de la famille et les ordres du roi ont dérobé à la légende du marquis. Ce n’est pas dans les affaires trop célèbres de la Keller et de Marseille, mais dans les égarements domestiques de M. de Sade qu’il faut chercher la cause d’un emprisonnement qui va durer près de quatorze années et qui commence au moment même où l’on poursuit l’absolution judiciaire des anciens scandales.

Il est assez difficile d’imaginer à la suite de quelles rencontres, sur quelles sollicitations et à quelles fins apparentes la marquise a pris avec elle, à son retour de Paris, les petites filles de Lyon et de Vienne. Nanon, qui connaît le pays, a vraisemblablement rabattu ce gibier.

Mais bientôt les parents, notamment un sieur Berh et une femme Desgranges[ws 1] ou Lagrange, déposent une plainte « pour enlèvement fait à leur insu et par séduction ». Une procédure criminelle est ouverte à Lyon. L’affaire est grave car le marquis a de nouveau joué du canif. Une des enfants, la plus endommagée, est conduite en secret à Saumane chez l’abbé de Sade qui se montre très embarrassé de sa garde et, sur les propos de la petite victime, accuse nettement son neveu. Une autre fille, Marie Tussin, du hameau de Villeneuve-de-Marc, a été placée dans un couvent de Caderousse, d’où elle se sauvera quelques mois plus tard. Le marquis prépare une réfutation « en règle » de ce qu’a dit l’enfant confiée à l’abbé, mais elle n’est pas la seule à avoir parlé. Les fillettes d’ailleurs n’accusent point la marquise et parlent au contraire d’elle « comme étant la première victime d’une fureur qu’on ne peut regarder que comme folie ». Leurs propos sont d’autant plus dangereux qu’elles portent, sur leurs corps et sur leurs bras, les preuves de leurs dires.

Les priapées de la Coste ont peut-être inspiré les fantaisies littéraires

  1. C’est le nom de l’une des « historiennes » des 120 journées de Sodome.