Est-on d’ailleurs ſi malheureux dans le plus beau
Palais de la plus belle Ville du monde, quand
cette situation sur-tout n’est que momentanée,
et quand elle est le moyen sûr de parvenir à
la perfection du bonheur de vingt-cinq millions
d’hommes ? En vous trouvant malheureux dans
cette position qui feroit la félicité de bien d’autres,
daignez un instant réfléchir à celle des anciennes
victimes de votre despotisme, à celle
de ces tristes individus qu’une seule ſignature de
vous, fruit d’une séduction ou d’un égarement de
tête, arrachoit du sein de leur famille en pleurs
pour les précipiter éternellement dans les cachots
de ces effrayantes Bastilles dont votre Royaume
étoit hérissé ; à la différence énorme néanmoins,
que le sort affreux de ces infortunés que je vous
compare, étoit presque toujours le résultat de la
cabale et de l’injustice, que ce sort étoit communément
éternel, et que le vôtre. Sire, qui n’est
que momentané, a pour objet de produire un
jour le bonheur durable de votre Nation.
Quand on a permis de si grand maux, Sire, il faut en savoir souffrir de légers.
Les Français veulent être libres, et ils le seront ; ils savent bien que cette liberté ne peut s’acquérir qu’en se voyant encore soumis à quelques abus ; mais ces abus, vices de la manière dont on procéde à la choſe, ne sont plus comme autrefois les abus de la choſe, et cette différence que nous sentons tous, nous conſole, en nous en faisant bien vite appercevoir la fin. Notre nouvelle manière de nous gouverner doit nécessairement entraîner l’extirpation des abus nés du nouveau régime ; l’ancienne forme de votre Gouvernement les cimentoit, ils étoient inhérens à cette forme viciée par l’âge & par sa nature, ils deviennent incohérens à la nôtre, ils s’extir-