Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/100

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une chaumière construite à-peu-près dans le goût de celle du Prince, mais infiniment moins spacieuse. Deux jeunes nègres servirent le souper sur des nattes de jonc, et nous nous plaçâmes à la manière africaine ; notre Portugais, totalement dénaturalisé, avait adopté et les mœurs et toutes les coutumes de la nation chez laquelle il était. On apporta un morceau de viande rôti, et mon saint homme ayant dit son Benedicite, (la superstition n’abandonne jamais un Portugais) il m’offrit un filet de la chair qu’on venait de placer sur la table. — Un mouvement involontaire me saisit ici malgré moi. — Frère, dis-je avec un trouble qu’il ne m’était pas possible de déguiser, foi d’Européen, le mêts que tu me sers là, ne serait-il point par hasard une portion de hanche ou de fesse d’une de ces demoiselles dont le sang inondait tantôt les autels du Dieu de ton maître ?… Eh quoi ! me répondit flegmatiquement le Portugais, de telles minuties t’arrêteraient-elles ? T’imagines-tu vivre ici sans te soumettre à ce régime ? — Malheureux ! m’é-