Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/22

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voir Léonore devant elle, et de me rendre ensuite au bout de quelques jours aux ordres de mon père… Mais comme il me croyait déjà à ma destination, dis-je à ma tante, il s’agissait de redoubler de prudence ; cependant, comme on nous apprit qu’il venait de partir pour ses biens, nous nous trouvâmes plus tranquilles, et dès l’instant nos ruses commencèrent.

Ma tante me reçoit d’abord au parloir, me fait faire adroitement connoissance avec d’autres religieuses de ses amies, témoigne l’envie qu’elle a de m’avoir avec elle, au moins pendant quelques jours, le demande, l’obtient ; j’entre, et me voilà sous le même toit que Léonore.

Il faut aimer, pour connaître l’ivresse de ces situations ; mon cœur suffit pour les sentir, mais mon esprit ne peut les rendre.

Je ne vis point Léonore le premier jour ; trop d’empressement fût devenu suspect. Nous avions de grands ménagemens à garder ; mais le lendemain, cette charmante fille, invitée à venir prendre du chocolat chez ma