Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/389

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beaucoup de crimes, ou de trouver celui de n’en faire naître aucun. — Zamé, dis-je au monarque, cette seule et respectable loi, dont vous parlez, s’outrage à tout instant ; il n’y a pas de jour où, sur la surface de la terre, un être injuste ne fasse à son semblable ce qu’il serait bien fâché d’en souffrir. — Oui, me répondit le vieillard, parce qu’on laisse subsister l’intérêt que l’infracteur a de manquer à la loi ; anéantissez cet intérêt, vous lui enlevez les moyens d’enfreindre ; voilà la grande opération du législateur, voilà celle où je crois avoir réussi. Tant que Paul aura intérêt de voler Pierre, parce qu’il est moins riche que ce Pierre, quoiqu’il enfreigne la loi de la nature, en faisant une chose qu’il serait fâché que l’on lui fît, assurément il le fera ; mais si je rends par mon systême d’égalité Paul aussi riche que Pierre, n’ayant plus d’intérêt à le voler, Pierre ne sera plus troublé dans sa possession, ou il le sera sans doute beaucoup moins, ainsi du reste. — Il est, continuai-