Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 2, 1795.djvu/72

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l’état dans lequel elle était, privée de son époux et des secours qu’elle en devait attendre.

J’avais heureusement sauvé toute ma fortune ; les précautions prises de l’échanger en papier du Cap à Maroc, m’avaient facilité les moyens de la mettre à couvert. Mes billets fermés avec soin dans un portefeuille de cuir, toujours attaché à ma ceinture, se retrouvaient ainsi tous avec moi, et nous ne pouvions périr qu’ensemble ; mais quelle faible consolation, dans l’état où j’étais.

Voguant seul sur ma planche, en bute à la fureur des élémens, je vis un nouveau danger prêt à m’assaillir, danger affreux, sans doute, et auquel je n’avais nullement songé ; je ne m’étais muni d’aucuns vivres, dans cette circonstance, où le desir de se conserver, aveugle toujours sur les vrais moyens d’y parvenir ; mais il est un dieu pour les amans ; je l’avais dit à Léonore, et je m’en convainquis. Les Grecs ont eu raison d’y croire ; et quoique dans ce mo-