Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 3, 1795.djvu/290

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voilà les seuls délits que nous tolérions parmi nous, quoiqu’on nous soupçonne de beaucoup d’autres, auxquels nous ne pensons seulement pas.

Avons-nous tort de nous permettre le vol ? Les loix de la propriété ne sont-elles pas dans la nature ? Dès que cette nature nous a tous créés égaux, nous a donné à tous les mêmes sens et les mêmes besoins, de quel droit divin ou naturel un homme doit-il être plus riche qu’un autre ? n’est-il pas clair que la propriété n’est qu’une lésion que le fort s’est permis sur le faible et que doit corriger celui-ci autant qu’il est en son pouvoir ? Or, quel crime peut-il commettre en rétablissant les choses dans l’ordre où les a créé la nature. Nos ancêtres en venant des Palus-Méotides, et s’appropriant les provinces voisines qui étaient à leur bienséance, n’étaient comme nous que des voleurs ; ils n’étaient guidés comme nous que par l’intention toute simple d’établir l’égalité, et de donner à celui qui avait moins, un peu du trop de l’autre.