Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 4, 1795.djvu/293

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aisé de vous prouver le contraire ; ce qu’il y a de certain, c’est que si cette émotion est un bonheur, au moins n’est-il pas celui de tout le monde ; car je vous réponds que je ne l’ai jamais senti… Eh monsieur ! c’est une chose si-tôt remplacée que le vuide d’une femme, d’une maîtresse, d’un parent, d’un ami ; nous ne nous affectons si vivement de leur perte, que par l’idée où nous sommes de ne pouvoir jamais retrouver dans un autre être, les qualités qui nous échappent dans celui que la mort nous ravit ; or cette idée non-seulement est personnelle, mais elle est chimérique ; c’est l’habitude qui nous lie bien plus que ce rapport ou cette convenance de qualités, et si nous y prenions bien garde, nous verrions que cette peine éprouvée lors de la perte, n’est que la sensation physique d’une habitude rompue ; or l’homme le plus malheureux sans doute, est celui qui, ne sachant pas l’art de voltiger également sur tous les plaisirs,… de les effleurer tous sans s’appesantir sur aucuns, s’est fait d’une sorte