Page:Sade - Aline et Valcour, ou Le roman philosophique, tome 4, 1795.djvu/30

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doivent-elles sentir les mêmes choses ? La pitié n’agit sur elle qu’en raison de leur molesse, plus un individu a de vigueur, moins il est susceptible de cette sorte d’ébranlement, d’où il résulterait, comme vous voyez encore en ma faveur, que l’ame la moins ouverte à la pitié serait incontestablement la mieux organisée ; mais analysons ce sentiment décoré de nos jours de si superbes noms et ressenti pourtant moins que jamais ; la preuve que ce mouvement pusillanime n’agit sur nous que physiquement, que le choc moral qu’il imprime est absolument subordonné à celui des sens, est que, nous plaindrons beaucoup davantage le mal qui se fait sous nos yeux, que celui qui arrive à cent lieues de nous ; et que si vous voyez, monsieur, par exemple, dit-elle en me montrant, se couper le doigt d’un canif, que vous vissiez son sang couler, vous seriez beaucoup plus émue de cet accident, seulement parce que vous en êtes témoin, que vous ne le seriez à la nouvelle que mon-