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ADÉLAÏDE DE BRUNSWICK


Henri IV, ses irrésolutions, ses oscillations perpétuelles, ouvrent un champ sans limites à l’ambition d’un prince. Frédéric a des droits au trône d’Occident, aussi sacrés que ceux de Henri : que ne les fait-il valoir ? Que n’arme-t-il ses sujets ? Que ne triomphe-t-il comme Vitikind ? Si ce héros fit trembler Charlemagne, Frédéric ne peut-il pas effrayer Henri ? Ah ! comte, ne me parlez pas d’un prince sans ambition : sans doute il pourra faire le bonheur de sa famille, mais il ne sera jamais la gloire de l’univers, et la mollesse effacera son faible nom des pages de l’histoire avec un bouquet de pavot, pendant que la renommée gravera celui du héros avec des palmes de lauriers.

— Ces sentiments sont dignes de votre âme, dit Mersbourg ; ils électrisent toutes celles auxquelles ils s’adressent, et si les illustres rejetons d’un sang aussi noble en sont enflammés comme vous, la Saxe n’a plus d’oppresseur à redouter : leur valeur brisera ses fers et le monde sera régi par eux.

— S’ils ont l’apathie de Frédéric, le sang brûlant d’Adélaïde pourra-t-il circuler dans leurs veines ?… Non, Mersbourg, non ce n’était point là l’époux qu’il me fallait.

— Celui qui vous convenait, madame, se trouverait peut-être dans votre cour ?